Cette approche affecte-t-elle l’attachement du bébé à son parent ?
Il est très important, avant de parler de la théorie de l’attachement et de son influence, de la définir.
Il y existe une grande confusion sur la signification du terme depuis l’introduction de la philosophie de « l’attachement parental » ou maternage proximal, mais ce sont deux choses bien distinctes.
L’origine de la confusion
L »Attachement parental » ou maternage proximal, est un terme inventé par les Drs William et Martha Sears. Il fait référence à une approche parentale spécifique qui préconise, entre autres, le portage, le co-dodo et l’allaitement à la demande.
La popularité du livre du Dr Sears a créé une certaine confusion quant aux différences entre ce style parental et la notion scientifique de la théorie de l’attachement. En raison de l’adhésion du Dr Sears au co-dodo, à l’allaitement à la demande et à l’intervention immédiate dès que son bébé s’agite, il est facile de voir comment certains parents sont arrivés à la conclusion que le non-respect de cette approche dans sa globalité (et donc aider son bébé à réussir de façon indépendante) pourrait endommager « l’attachement » entre un bébé et son parent.
Mais encore une fois, la théorie de l’attachement et l’attachement parental/maternage proximal sont deux théories différentes qui n’ont pour similarités que le mot « attachement ».
Alain Sroufe, psychologue du développement à l’ « Institue for Child Development » de l’université du Minnesota, définit l’attachement comme : « … une relation au service de la régulation et de l’exploration des émotions d’un bébé. C’est la confiance profonde et constante d’un bébé dans la disponibilité et la réactivité de la personne qui s’occupe de l’enfant. »
L’origine de la théorie de l’attachement
A l’origine, la théorie de l’attachement a été développée par le psychologue britannique John Bowlby et largement développée et testée par la psychologue américaine Mary Ainsworth. Dans sa compréhension actuelle, il déclare qu’il existe 4 catégories d’attachement entre un bébé et ses parents (ou autre personne qui lui prodigue le plus de soin) :
- l’attachement sécuritaire
- l’insécure évitant
- l’insécure résistant
- l’insécure désorganisé
Les bébés et enfants qui bénéficient d’un « attachement sécuritaire » avec un parent se sentent en sécurité pour exprimer leur détresse ou leur inconfort. Ils exploreront les zones inconnues autour d’eux en toute confiance lorsque le parent est à proximité. Ils auront tendance à être en détresse lorsque le parent s’absente de leur champs de vision, mais ils réagiront positivement à son retour.
Les bébés dont les attachements ne sont pas sécuritaires évitent leur parent lorsqu’ils sont en détresse et minimisent les manifestations d’émotions négatives en leur présence. Probablement, parce que le parent a répondu aux manifestations précédentes de détresse de de manière négative, en ignorant, en ridiculisant ou en s’agaçant avec son enfant. Ce dernier apprend rapidement que les manifestations de détresse provoquent des émotions négatives de la part du parent et évite de les manifester.
Ces études longitudinales du Minnesota (études sur une période de 35 ans) sur les risques d’attachement non sécuritaires ont révélé que les nourrissons qui répondaient aux critères de « l’attachement sécuritaire » étaient plus indépendants plus tard dans la vie, avaient une meilleure estime de soi, de meilleures relations avec leurs parents et leurs frères et soeurs. Ils affichaient des capacités d’adaptation, des aptitudes sociales et des qualités de leadership supérieures à celles des nourrissons des 3 autres catégories.
Cela ne veut pas dire que l’attachement est l’unique facteur qui influence 100% de la relation parent/enfant mais il est sans aucun doute extrêmement important !
Pour aller plus loin sur la théorie de l’attachement et son fonctionnement :
Allan Schore, neuroscientifique du développement au Département de psychiatrie de la faculté de médecine David Geffen de l’UCLA définit la théorie de l’attachement comme « essentiellement une théorie de la régulation ».
Il explique : « les attachements non sécuritaires ne sont pas créés uniquement par l’inattention ou les faux-pas du parent. Ils proviennent également d’une incapacité à réparer les blessures. Peut-être que le parent est intervenu trop vite et n’est pas rester en retrait ou peut-être qu’il n’a pas répondu et doit montrer à son bébé qu’il est présent. Quoi qu’il en soit, la réparation est possible et cela fonctionne. Le stress fait partie de la vie et ce que nous essayons de faire ici est de mettre en place en système dans lequel le bébé peut apprendre à faire face au stress. »*
De ce point de vue (et de celui de beaucoup d’autres comme Demos, Stern…), on pourrait affirmer que la méthode Sears de répondre immédiatement et systématiquement à chaque pleur d’un bébé et de le garder à proximité en tout temps pourrait en fait montrer une faille et engendrer de petites lacunes dans le développement.
Encore une fois, si le maternage proximal est l’approche avec laquelle vous vous sentez le plus à l’aise, c’est absolument votre droit, votre choix, c’est une décision très personnelle mais comme toute approche, il peut avoir de potentiels inconvénients si elle est utilisée de manière très stricte sans tenir compte des besoins et de la personnalité du bébé. Je l’ai appris « à mes dépends » dans mon parcours de maman.
C’est aussi pour cela que je privilégie presque toujours la « voie du milieu » (base de l’éducation positive également) afin de ne pas avoir d’oeillères car mon expérience de maman et mon bébé m’ont montré qu’il fallait faire attention aux avis tranchés et qu’il est bon de garder l’esprit ouvert.
Pour moi, il est essentiel de créer l’attachement, que son nouveau-né dorme sur soi, de répondre très rapidement à chacun de ses besoins. Mais il est primordial également d’observer son enfant et de comprendre ses pleurs pour ne pas y répondre de la même manière obligatoirement à chaque fois l’aidant ainsi vers l’autonomie, la confiance en soi : pas en l’y poussant mais en le comprenant et en l’accompagnant.
D’un autre côté, compte-tenu de toutes ces informations qui circulent et qui sont mises en avant, il est facile de voir comment les parents pourraient avoir un avis biaisé sur une approche au sommeil dite « traditionnelle » et de la voir comme potentiellement préjudiciable à l’attachement qu’ils ont avec leur petit.
Cependant, je tiens à vous rassurer : je ne vous demanderai JAMAIS de quitter votre bébé pendant de longues périodes sans lui offrir de soutien et de réconfort. Si je préconisais de laisser votre enfant pleurer tout seul sans tenir compte de la durée ou de la gravité de ses pleurs, j’offrirai un bien médiocre service…
Je comprends et respecte votre souci du bien-être de votre bébé, et je tiens à vous assurer que l’approche que nous prendrons avec votre tout-petit vous permettra de rester près de lui, de le réconforter, de le rassurer de votre présence et de répondre à ses besoins tout en lui apprenant progressivement à s’endormir de façon autonome.
Je vous encourage absolument à rester présents et réactifs tout au long de l’accompagnement et je ne vous demanderai jamais de faire quoi que ce soit qui pourrait endommager votre relation avec votre bébé. Cela ne veut pas dire qu’il n’y aura pas du tout de pleurs, il y en aura probablement et je comprends à quel point il peut être difficile de permettre à votre bébé de pleurer, même pendant de courtes périodes, et malgré votre présence, votre réconfort et votre soutien. Lorsque notre bébé pleure, notre instinct naturel en tant que parent est de mettre en oeuvre tout ce qu’il est possible de faire pour qu’il arrête de pleurer le plus vite possible.
Cette force qui nous pousse à ne pas pouvoir laisser pleurer notre petit peut nous inciter très naturellement à utiliser des méthodes d’apaisement efficaces et rapides (comme de le nourrir ou le bercer ou le stimuler) et même si cela fonctionne sur le moment, cela n’a en revanche pas forcément résolu le problème/le besoin qui a fait que le bébé à commencer à pleurer en premier lieu.
Comme l’a dit Magda Gerber, une experte en éducation des enfants, fondatrice de « Resources for Infant Educarers », « un parent anxieux et irritable fera probablement ce qui apporte le soulagement le plus rapide : donner le sein ou le biberon. Le bébé l’accepte presque toujours, se calme et s’endort souvent. Bien sûr, c’est la bonne solution si le bébé a faim. Cependant, si le bébé a d’autres besoins (par exemple, chercher son sommeil ou avoir mal), il apprendra à s’attendre à de la nourriture en réponse à ses autres besoins et à saisir le sein ou le biberon même s’il n’a pas faim. »
Donc, quand votre bébé pleure, je vous encourage de tout coeur à répondre. Assurez-vous qu’il soit nourri et au chaud et que tous ses besoins soient satisfaits (succion, câlin : tout !). Observez-le pour voir si vous pouvez discerner toute autre source d’inconfort ou de besoin urgent. Si vous êtes convaincus que la seule raison pour laquelle votre bébé pleure est qu’il a de la difficulté à retrouver le sommeil (par exemple s’il se réveille comme une horloge entre les cycles de sommeil toutes les heures), alors vous êtes sur la bonne voie pour résoudre ce problème en l’aidant à apprendre à s’endormir de manière indépendante.
L’attachement de votre bébé avec vous, parent, ne dépend pas du fait d’être à ses côtés en permanence (le qualitatif est plus important que le quantitatif), il ne dépend pas non plus du fait de se précipiter à ses côtés à chaque fois qu’il se sent frustré ou « mis au défi ». C’est un mélange de parentalité cohérente et fiable, de réconfort affectueux et de confiance de se sentir protégé et en sécurité. Les occasions de rassurer, de réconforter et d’encourager votre bébé se présenteront plusieurs fois par jour, je vous le garantis, et lorsque tout le monde dans la famille (y-compris votre enfant) est bien reposé, il est plus facile de se montrer patient, plus engagé et mieux à même de fournir l’amour et le soutien qui sont le véritable fondement d’un attachement sécuritaire avec nos enfants.
A quoi ressemble l’attachement sécuritaire ?
De 0 à 3 mois :
- Dans son état calme et alerte, le bébé s’intéresse aux visages et aux voix qui l’entourent
De 4 à 8 mois :
- Les tentatives pour apaiser le bébé fonctionnent généralement (attention : une incapacité à apaiser bébé pourrait indiquer une insécurité, un inconfort ou une multitude d’autres problèmes possibles)
- le bébé et son parent (sa figue d’attachement principale) ont des interactions agréables
- le bébé a des périodes calmes de curiosité et explore et expérimente selon ses capacités physiques
- le bébé commence à reconnaître les gens et à montrer ses préférences
A 9 mois :
- le bébé montre une nette préférence pour une figure d’attachement principale et une certaine méfiance envers les étrangers
- le bébé est facilement boulversé lorsqu’il est séparé de sa principale figure d’attachement
- le bébé est facilement apaisé après une séparation et peut reprendre l’exploration ou jouer
De 9 mois à 3 ans :
- l’enfant montre un lien émotionnel clair avec une personne principale
- l’enfant reste à proximité de cette personne mais noue également des relations étroites avec d’autres personnes
*je vous invite à rechercher les travaux d’Allan Schore sur l’auto-régulation qui expliquent l’importance des capacités adaptatives permettant à l’enfant de tolérer des affects négatifs et de retrouver la sécurité grâce notamment au fait d’intervenir (engagement), puis de ne plus intervenir (désengagement) puis d’intervenir à nouveau (réengagement).